Hubert Védrine : « Gérard de Villiers avait un flair incroyable »

Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères, livre au JDD ses impressions après la disparition de Gérard de Villiers. L’ex diplomate avoue s’être intéressé de près aux informations que livrait l’écrivain dans ses romans d’espionnage SAS.

Devenu ministre des Affaires étrangères, je lisais de temps en temps un SAS dans l’avion, je savais qu’il avait ses sources dans les services de renseignement. Je voulais comprendre sa méthode de travail, comment il parvenait à maintenir cette démarche de grand reporter, comme du temps de France Soir sous Pierre Lazareff.

Je l’ai donc invité à déjeuner au Quai d’Orsay. Il était enchanté qu’un ministre s’intéresse à lui. Je me souviens qu’il avait raconté un projet d’attentat contre Sadate plus de six mois avant que le président égyptien ne soit assassiné.

Gérard de Villiers avait une formidable capacité d’anticipation. Il s’était reconverti très tôt sur la menace du terrorisme islamique. Il avait été le premier à raconter des choses très précises sur le trafic de drogue qui traversait l’Atlantique pour remonter vers le nord via le Sahel en alimentant les groupes djihadistes. Là encore, c’était plusieurs années avant l’intervention française au Mali.

Je savais qu’il avait ses amis à la DGSE. Il a bien saisi la mécanique du travail des diplomates et des agents secrets avec leurs questions éthiques et leurs cas de conscience. C’est ce qui le rapproche des grands romans d’espionnage à la John Le Carré. Dans l’un des derniers SAS que j’ai lu, il avait joint en annexe, à la fin du livre, l’article flatteur que le New York Times lui avait consacré. Je crois qu’il l’avait vécu comme une consécration.”

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